Cette année, en Europe, et particulièrement en France et en Allemagne, les évolutions des prix de l’électricité et du gaz ont suivi des dynamiques contrastées. En France, les prix de l’électricité ont poursuivi leur baisse amorcée après la crise de 2022, grâce à une production nucléaire performante et à une montée en puissance des énergies renouvelables. Le prix du gaz a été plus instable, fluctuant avec les tensions géopolitiques.
En Allemagne, les prix de l’électricité et du gaz ont tous les deux augmenté, notamment en raison d’une dépendance plus forte aux énergies fossiles. Ces différences ont parfois été frappantes. Par exemple, en moyenne sur l'année 2024 les prix de gros allemands ont été supérieurs de 12 €/MWh à ceux observés en France. Cela illustre bien l’impact des choix politiques en matière d’énergie sur les marchés nationaux.
Cela tient au mix électrique de chaque pays. D’après les dernières données de RTE, le nucléaire représente 67,4 % de la production d’électricité française, tandis que les énergies renouvelables contribuent à hauteur de 27,6 %. Ensemble, ces sources d'énergie bas-carbone couvrent 95 % de l'électricité produite dans le pays. Ce mix énergétique permet de produire de l'électricité à un coût relativement faible et assure une certaine stabilité des prix en France.
En Allemagne, en revanche, le mix électrique repose davantage sur le gaz et le charbon, rendant le pays beaucoup plus sensible aux fluctuations des prix de ces énergies.
Avant la crise de 2022, l’électricité coûtait environ 40 à 50 euros par mégawattheure (€/MWh). Au plus haut de la crise, nous avons atteint un pic à 1000 €/MWh. Aujourd’hui, les prix ont nettement baissé, mais restent dans une fourchette de 60 à 80 €/MWh, encore au-dessus des niveaux pré-crise.
Pour le gaz, la hausse a été tout aussi spectaculaire : avant la crise, il coûtait environ 15 €/MWh. Lors du pic, ce prix a bondi jusqu’à 300 €/MWh. Actuellement, il s’est stabilisé autour de 40 €/MWh, ce qui reste également bien supérieur aux tarifs d’avant-crise.
Parce que le contexte a énormément changé. Les sources d’approvisionnement ne sont plus les mêmes. On n’importe plus de gaz de Russie, par exemple. La gestion des risques par les fournisseurs a également évolué en raison de la volatilité sur les marchés. Enfin, le contexte géopolitique est très différent.
La guerre en Ukraine a été plus qu’impactante sur les marchés européens. Avant la crise, la Russie était le principal exportateur de gaz naturel vers l'Europe avec la Norvège. Avec la fin des importations russes, l’Europe a dû se tourner vers le gaz importé par bateaux (gaz naturel liquéfié (GNL) notamment depuis les États-Unis. Ces approvisionnements impliquent des coûts logistiques bien supérieurs à ceux des gazoducs et une dépendance au marché asiatique plus importante.
D’autres événements ont également amplifié les tensions, comme les crises au Moyen-Orient, qui augmentent les incertitudes sur l’offre mondiale. Enfin, des changements politiques, comme la réélection de Donald Trump, ajoutent une dose d’imprévisibilité. Un président capable de décisions fortes peut rapidement redessiner les équilibres énergétiques mondiaux.
Dès son investiture, le nouveau président des États-Unis a donné le ton. Le soir même, il a proclamé « l’état d’urgence énergétique », affichant clairement son ambition : inonder le marché mondial de pétrole et de gaz américain. Cette stratégie, résumée par le slogan répété tout au long de sa campagne, « Drill, baby, drill ! » (« Fore, chéri, fore »), ne laisse aucun doute sur ses intentions.
Absolument. Aujourd'hui, le prix du gaz joue un rôle clé dans la détermination du coût de l'électricité. En Europe, ce calcul repose sur le principe du merit order, basé sur le coût marginal. Cela signifie que le prix de l'électricité est indexé sur le coût de la dernière énergie utilisée pour produire cette électricité. Ainsi, si le prix du gaz augmente, le coût de l’électricité suit le mouvement, car les centrales à gaz sont souvent sollicitées en dernier recours.
Oui, les conditions météorologiques ont fortement influencé la production d’énergie renouvelable. En France, l’ensoleillement et le vent ont permis une production importante d’électricité photovoltaïque et éolienne. Cette situation contribue à une décorrélation progressive entre le gaz et l’électricité, particulièrement en France.
Grâce à notre mix énergétique, dominé par le nucléaire et les énergies renouvelables, nous couvrons une grande partie de la demande d’électricité sans dépendre massivement du gaz, utilisé principalement en appoint lors des pics de consommation.
De leur côté, des pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni poursuivent leurs efforts pour réduire l’usage des énergies fossiles, une démarche essentielle dans ce verdissement de la production électrique, qui joue un rôle clé dans la stabilisation des marchés.
Oui, les infrastructures ont joué un rôle essentiel. En France, la mise en service tant attendue de Flamanville et le développement de parcs renouvelables, comme le parc éolien en mer au large de Fécamp en Normandie, ont renforcé notre souveraineté énergétique. Ces avancées permettent à EDF d’exporter davantage vers nos voisins européens, réduisant ainsi la dépendance énergétique de l’Europe. En 2024, la France a d’ailleurs établi un record historique avec 89 TWh d’exports nets d’électricité, surpassant celui de 77 TWh établi en 2002.
Un autre phénomène marquant en 2024 a été la modulation de la production nucléaire, notamment pendant l’été et les week-ends, pour favoriser l’intégration des énergies renouvelables. Concrètement, lorsque la production d’électricité éolienne ou photovoltaïque est très élevée, maintenir un niveau constant de production nucléaire crée un excédent d’électricité. Les réseaux ne peuvent pas absorber ce surplus d’électricité, ce qui entraîne une perte d’énergie. Pour éviter cela, on ajuste désormais la production nucléaire.
Ce pilotage, assuré par RTE et EDF, favorise ainsi l’insertion des énergies renouvelables et contribue également à limiter les effets des prix négatifs.
Une heure est qualifiée de « prix négatif » lorsque le prix de l'électricité sur le marché Spot (pour livraison le lendemain) devient négatif. Cela se produit lorsque l’offre d’électricité excède largement la demande. Par exemple, en été, une forte production d’électricité photovoltaïque combinée à une production nucléaire stable peut entraîner un excédent d’électricité en milieu de journée.
Pour inciter les producteurs à réduire leur production durant ces périodes, les prix deviennent négatifs, rendant la production non rentable. En 2024, le nombre d’heures à prix négatifs a atteint un niveau record : la France a observé 360 heures négatives, contre seulement 147 heures en 2023 et 102 heures en 2022.
Deux facteurs seront déterminants en 2025 : la production nucléaire d’EDF et les approvisionnements en GNL, avec une attention particulière au marché américain.
Si EDF maintient une forte capacité de production, les prix de l’électricité resteront stables. En revanche, tout problème sur le parc nucléaire pourrait provoquer une nouvelle dépendance au gaz, avec les incertitudes que cela implique. C’est un des enseignements de la crise de 2022 : l’arrêt simultané de nombreux réacteurs nucléaires en raison de problèmes de corrosion a révélé les dangers d’une trop grande dépendance à une seule source d’énergie. Cet épisode souligne l’urgence de diversifier le mix énergétique en développant à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire.
Concernant le gaz, la politique énergétique de Donald Trump et les tensions géopolitiques au Moyen-Orient seront également à surveiller de près.
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